Illustration numérique ou digitale ?

Motifs de la collection Abigaëlle (Printemps 2022) - Réalisés exclusivement sur iPad.

 

S’il y a un débat récurrent dans ma tête, c’est bien celui-ci: Illustration traditionnelle ou numérique ? Je dis dans ma tête, mais en fait c’est entre mon coeur et elle que ça se passe. Pour bien des raisons, comme dans beaucoup de domaines, le numérique est plus pratique mais depuis toujours j’ai une préférence pour les illustrations faites à la main. Pourtant, de plus en plus je me retrouve derrière mon écran, stylet à la main.

Le sujet me chicotte encore plus dernièrement parce que, comme tu le sais peut-être, je viens d’avoir une petite fille, et comme tous nouveaux parents, on est FA-TI-GUÉS. Alors souvent, quand Bibi est couchée à 19h, c’est pas très long pour que nous aussi on se retrouve dans le lit à Netflixer et relaxer (larver). Et donc, je suis plus souvent avec mon iPad que sur ma table à dessin, dans mon bureau, semi-confortablement assise. Puis, de jours en jours, mes croquis sont devenus de belles petites souris (celles dans l’image ci-dessus), qui représentent Bibi (pour comprendre la référence, c’est par ici). Et finalement, de fil en aiguille, dans mon lit, j’ai dessiné une collection de motifs pour des tissus. Pour la première fois, j’ai fait une collection de motifs exclusivement de façon numérique. Normalement, je fais toujours au moins une partie à la main (aquarelle, encre, crayons) ou même entièrement à la main.

L’illustration numérique, il y a rien de mal à ça, je sais. Mais mon coeur penche davantage en faveur de l’illustration traditionnelle: il y a une certaine noblesse et un petit je-ne-sais-quoi qui ne sont pas accessibles via l’illustration numérique. C’est pourquoi je fais toujours une liste de pour et de contre lorsque je me retrouve à dessiner sur la tablette, pour me convaincre que pour bien des raisons, c’est plus simple.

La voici.

LES TEXTURES, TRAITS
ET COULEURS UNIQUES

Numérique : Oui, oui, les logiciels sont effectivement capable de créer des “effets” de texture qui représentent différents médiums. Mais, soyons honnête. Ils n’en font pas la réplique exacte. Ça reste flat et synthétique. Autrement dit : y’a pas une moumoute qui a l’air vrai.

Traditionnelle : C’est sans doute la sensation organique, vraie, de l’illustration traditionnelle qui fait tout le poids dans la balance pour moi ! Derrière le dessin traditionnel, on ressent vraiment l’expression unique de chaque artiste - par le choix de papier, de medium, de comment il l’utilise, comment il décide d’effectuer tel coup de pinceau qui crée un relief précis, etc. Il y a une identité bien propre à l’artiste qui se crée par les médiums traditionnels et ça lui donne ce côté unique.

Ce que je me demande par contre, c’est si cette dimension est réellement palpable sur des tissus, sachant qu’on perd grandement la qualité d’une illustration. Par exemple, ces souris. (Encore des souris? Elles datent, ce n’est qu’un pur hasard!) Ce motifs a entièrement été réalisé à l’aquarelle et aux crayons de bois, mais une fois sur le tissus, est-ce qu’il y a réellement une différence entre le numérique et le traditionnel? Est-ce que cette différence, aussi minime soit-elle, vaut la peine versus tout le travail que demande l’illustration traditionnelle? J’en suis plus ou moins convaincue.

LES COÛTS

Numérique : Les coûts de départ peuvent être surprenant, oui, mais sur le long terme, c’est à voir. D’abord, il en va de quel outil ont décide d’avoir : un ordinateur super puissant et une tablette graphique Wacom pro de 24” ? Ou quel modèle de iPad? Si on considère que la majorité des gens ont une tablette ou un ordinateur, illustrateur ou pas, une fois qu’on est équipé, les coûts de l’illustration numérique sont nettement moindre puisqu’il est facile de se trouver des brush set ou des applications gratuites ou presque. Après suffit d’ouvrir un fichier et dessiner.

Traditionnelle : Quand on parle de matériel d’artiste on sait que c’est dispendieux. Une feuille d’aquarelle de qualité coûte environ 8$ (UNE SEULE FEUILLE!). Si on fait des erreurs, on multiplie ce coût. Après, tout ce qui est médium aussi est très dispendieux. On ne parle pas ici des crayons de bois, ni de peinture à l’eau que l’on achète aux enfants. Les outils de niveau professionnel sont très coûteux et avant que tu me dises qu’il ne doit pas avoir une si grande différence je t’arrête tout de suite: Avant de devenir professionnel et de pouvoir m’offrir l’aquarelle de marque Van Gogh que j’utilise aujourd’hui, j’avais une palette de couleur à 11$ de chez Michaels. Sur le coup ça faisait bien l’affaire, surtout pour commencer, mais avec le temps, j’ai découvert que l’aquarelle se décoloraient. La saturation des couleurs s’atténuait et mes illustrations étaient gâchées. Les coûts de l’illustration traditionnelle ne s’arrête pas là non plus. Si on utilise beaucoup d’une couleur, dans mon cas le bleu, il faut en racheter, et racheter du papier, etc…

Travailler une illustration bien emmitouflée sur le divan avec mon iPad.

PRATICITÉ

Numérique : Comme je disais, la collection de tissus Abigaëlle a vu le jour sur mon iPad dans mon lit. Grâce au iPad on peut dessiner PARTOUT! Au parc, dans la voiture, en attendant un rendez-vous chez le médecin. Certain dirons que je peux dessiner dans mon cahier de croquis partout également. Mais vous imaginer tout les charpies d’efface que ça aurait fait dans mon lit? Et ça c’est si je ne dessine qu’au crayon car je ne peux pas trainer mes pots d’eau, mes pinceaux, mes chiffons gisement partout sans faire de dégâts.

Ce que j’ai remarqué aussi, côté praticité, c’est qu’on peut reprendre les éléments ici et là de notre illustration sans que ce soit compliqué ou sans perdre de la qualité. Surtout quand on fait des jeux par exemple et qu’on veut reprendre tel personnage pour une publicité, ou pour le pamphlet explicatif: drag and drop et le tour est joué.

Traditionnelle : Ce qu’on peut imaginer pratique pour l’illustration traditionnelle, c’est qu’on a pas besoin d’électricité, et qu’on ne risque pas la perte de données et les fichiers corrompus.

Autrement, si notre médium de prédilection ne demande pas une installation complexe, oui, on peut dire qu’on peut dessiner partout.

Travailler une illustration à l’aquarelle requiert beaucoup de matériel.

LE TEMPS DE TRAVAIL

Numérique : C’est souvent plus rapide. Ok, tout le temps!

Et comme la plus part du temps (OK, TOUT LE TEMPS!!!) les clients ont besoin de tout pour hier. Ça devient donc un argument qui pèse lourd dans la balance : Pas besoin de temps d’installation, pas besoin d’attendre que ça sèche, pas besoin de recommencer au complet si on fait une erreur, pas besoin de nettoyer les pinceaux et l’espace de travail par la suite, bref.

Traditionnelle : C’est looooooooooooooong...

Ça peut prendre des jours selon le médium. Et ça c’est si on sait exactement, précisément, ce qu’on va faire.

Puisque l’illustration traditionnelle ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre, elle nécessite une plus grande concentration, et surtout préparation.

Par exemple: la recherche de couleurs est beaucoup plus longue à effectuer : mélanger les pigments jusqu’à atteindre la tonalité exacte recherchée, en tester plusieurs ensemble, recommencer jusqu’à satisfaction. Parfois penser qu’on aime notre palette, commencer à faire la coloration de notre illustration et réaliser que ça fonctionne pas du tout et devoir TOUT recommencer. Alors qu’à l’ordinateur ou à la tablette, il suffit d’ouvrir la roulette chromatique du logiciel qu’on utilise et d’y sélectionner nos couleurs et même si, lorsque l’illustration est bien entamée, on change d’idée, on peut les modifier en un seul clic!

Et même avec toute la préparation que peut demander l’illustration traditionnelle, lorsqu’on travaille à la main, une erreur implique souvent de devoir tout recommencer alors qu’en dessin numérique si on aime pas les 2-3 dernières étapes qu’on a fait, on a seulement besoin d’utiliser notre ami CTRL+Z et le tour est joué. C’est si facile de corriger des erreurs… ou d’apporter les changements si un client demande des modifications ou même simplement parce qu’on a changé d’idée.

Mais est-ce que ça devient trop facile ?

L’illustration, l’art est aussi représentative de la démarche de l’artiste derrière l’oeuvre. Avec l’illustration numérique, ou tout est possible d’être corrigé et annulé peu importe le moment, on perd complètement ce processus. En tant qu’artiste, c’est la que le plaisir se retrouve, où on se sent grandir, évoluer et que notre art prend un sens.

Peut-être qu’elle est là, la limite qui détermine si un projet devrait être fait de façon traditionnelle ou numérique. L’art versus le produit. Je crée des illustrations oui, mais souvent à des fins commerciaux. Pour être reproduit et être vendu sur des produits comme des jeux de société, des tissus, des livres. Comme ces illustrations sont reproduites, on ne ressent pas nécessairement la qualité traditionnelle qu’elles pourraient avoir. Mais je m’écarte du sujet! Cette article n’est pas pour déterminer ce qui est de l’art et ce qui ne l’est pas. On dit souvent que l'objectif de l’art est de faire vivre des émotion, par sa beauté, par son message. Et on ma souvent fait de superbes compliments sur mes illustrations, même si elles étaient numérique.

Au final, si c’est plus simple de dessiner de façon numérique, c’est bien aussi! Plein d’illustrateurs se démarquent magnifiquement tout en travaillant de façon digitale. Je pense entre autre à Elise Gravel, Julie Cossette, Bach, et bien d’autres. Non seulement pour leurs illustrations, mais également les messages qu’elles véhiculent.

Ce débat mental restera vraisemblablement et je vais continuer de m’obstiner avec moi-même, de taper du pied et de dire, MAIS JE PRÉFÈRE L’ILLUSTRATION TRADITIONNELLE, BON!

Précédent
Précédent

la Création des cartes à gratter : Halloween

Suivant
Suivant

Moi, du haut de mes 5 pieds!